Temps-mort, pause… Place à la nuit, au manège de l’infini. Dans la densité du silence gravitent les rêves, simulacres de mouvement. La doublure du réel ne se laisse pas facilement approcher. Seule une déviation de l’axe, une effraction de la norme, autorise l’esprit à y côtoyer ses ombres. Dans la nuit, le néant se diffracte, s’infuse, jusqu’à ce que l’obscurité laisse passer la lumière, cède une brèche de sens. L’aube est déjà là.
Là où rien ne bouge, la nuit, où pas un mot de trop ne fissure le silence. Songes assoupis qui reprennent forme dans le noir. Une enveloppe nimbée d’inconnu, promesse de lendemains qui peut-être ne chanteront pas. La nuit susurre à l’oreille des murmures inaudibles, fait graviter l’esprit dans des sables mouvants. L’espace ondule, l’épaisseur de la nuit croît, la densité de l’imaginaire s’étoffe. Mais bientôt le raisonnement se cabre, l’impatience surgit, la peur gagne du terrain tandis que la nuit, elle, poursuit son chemin vers le dévoilement de l’aube, là où se produisent les éclaircies du ciel, où les couleurs pastel panachent les matins comateux de feux visuels fiévreux. De l’obscurité nébuleuse à la lumière tranchante, le scalpel de l’apparition du temps ne tarde pas à se faire sentir, à même la chair de l’homme. À chaque nuit passée à tenter d’endiguer le passage inexorable des heures, le corps et l’âme s’usent à vue d’œil, lassés de cette mascarade à laquelle ils auraient bien voulu croire. Qui édicta un jour que le génie est un oiseau nocturne ? Pas plus tard que maintenant, les années s’égrènent à la vitesse des secondes, la coupe est déjà pleine sans le souvenir de l’avoir remplie. L’angoisse se fond dans le vide enténébré qui entoure l’homme et les pages blanches se remplissent de graphies noires. Qui peut bien penser pouvoir tromper le temps ? Peut-être un fossile…le vivant pétrifié, figé pour l’éternité…un temps mort.
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